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Agir pour Ingrid Betancourt

L'accord humanitaire maintenant pour libérer tous les otages en Colombie

Noam Chomsky : "La Colombie et les Etats-Unis ne veulent pas d’un échange d’otages"

Dernière édition : 15 mai 2008

AgirpourIngrid.com - Bogota - 15/05/08

Dans le cadre d’un entretien sans concession ni langue de bois accordé à El Espectador, l’éminent intellectuel américain Noam Chomsky, professeur émérite au Massachusetts Institute of Technology, revient sur la situation en Colombie et en Amérique Latine. A lire avec attention :

El Espectador : Comment évaluez-vous les relations entre les Etats-Unis et l’Amérique Latine ?

Noam Chomsky : Eh bien, si on regarde les sondages faits dans la région, l’animosité envers les Etats-Unis et leur politique a beaucoup augmenté durant la présidence de Bush. Tant son administration que les leaders politiques des deux partis sont très préoccupés par ce qui est en train de prendre de l’ampleur en Amérique Latine. La Colombie est une exception.

El Espectador : Essentiellement, sur quels points la stratégie des Etats-Unis échoue-t-elle en Amérique Latine ?

Noam Chomsky : Pendant très longtemps les Etats-Unis ont considéré comme un fait acquis qu’ils domineraient et contrôleraient l’Amérique Latine, ses richesses naturelles, les investissements, les gouvernements, entre autres. En fait, un point clé de la politique des Etats-Unis c’est que “si nous ne pouvons pas contrôler l’Amérique Latine, comment pourrons-nous contrôler le reste du monde ? » Eh bien, pour la première fois de son histoire, l’Amérique Latine est hors de contrôle. Il y a une tendance vers l’intégration de l’Amérique Latine : la Banque du Sud, les réunions de Cochabamba où les leaders d’Amérique Latine ont discuté d’une union du genre Union Européenne, et le Mercosur, entre autres. Ces données sont une nouveauté dans l’histoire du continent.

El Espectador : Vers où se dirige l’Amérique Latine avec tous ces changements ?

Noam Chomsky : Pour la première fois, la majorité du continent est en train de commencer à mettre le nez dans ses graves problèmes intérieurs et ce développement est très préoccupant pour les Etats-Unis. Par le passé, ils avaient été capables de les contenir en usant de deux méthodes : la première c’était la violence et la seconde : l’étranglement économique. La Colombie est un bon exemple de la méthode violente : en 1962 Kennedy envoya en Colombie une mission de forces spéciales pour conseiller les forces militaires colombiennes et le conseil fut qu’il fallait contrôler la population au moyen de la terreur paramilitaire. Cela a changé la nature des militaires colombiens. Même si la Colombie était déjà une société violente, inutile d’expliquer ce qui s’est passé par la suite. Le conseil fut suivi avec des conséquences horribles. Mais il n’est plus aussi simple d’utiliser la violence pour abattre des gouvernements et mettre en place des dictatures. La dernière fois qu’ils ont essayé, c’est au Venezuela, en 2002, mais ça n’a pas marché en partie à cause de la forte opposition manifestée par le reste de l’Amérique Latine.

El Espectador : On a supputé la participation des Etats-Unis dans l’opération qui a causé la mort de Raúl Reyes. Y a-t-il des faits pour corroborer cette hypothèse ?

Noam Chomsky : Vous parlez de l’assassinat de Reyes... Nous n’avons pas d’information probante, mais c’est une hypothèse très raisonnable. Rappelez-vous quand et qui a été assassiné. Ils ont tué une personne qui était au centre des négociations pour l’échange de prisonniers et celui qui était le plus engagé pour une possible négociation. Il n’y a pas besoin d’être un génie pour comprendre ce que cela signifie : la Colombie et les Etats-Unis ne veulent pas rendre possible l’échange de prisonniers et ils ne veulent pas de la diplomatie ni de la négociation. Le moment où cela s’est produit aussi est intéressant puisque l’opération a eu lieu juste avant la convocation d’une manifestation de masse contre la terreur paramilitaire en Colombie. Il est difficile d’éviter de tirer des conclusions en partant de tels faits.

El Espectador : Croyez-vous qu’il y ait une possibilité qu’Ingrid Betancourt ou les trois nord-américains soient libérés ?

Noam Chomsky : Il y a des possibilités, mais la mort de Reyes les réduit considérablement. Je présume qu’elle avait été planifiée dans ce but étant donné que les conséquences sont évidentes. La personne qu’ils ont tuée était au centre des négociations.

El Espectador : Pourquoi George Bush a-t-il été si passif à l’heure de chercher une sortie négociée pour libérer les trois nord-américains ?

Noam Chomsky : Il n’a pas été passif. Il a été actif dans la mesure où il s’est opposé à cette libération. Son administration, comme ses prédécesseurs, a offert une énorme quantité d’aide militaire à la Colombie, la seconde la plus importante au monde. Les négociations sont humiliantes pour les Etats-Unis. Ils préfèrent une solution militaire plutôt qu’une solution diplomatique.

El Espectador : Que pensez-vous du rôle de Chavez dans ces négociations ?

Noam Chomsky : Il était au centre de la négociation. On pourrait lui reprocher bien des choses quant à son style, mais le fait est qu’il jouait indiscutablement le rôle nécessaire pour mettre en route les négociations. Il est en contact avec les FARC et il a des relations avec la Colombie, il est donc le médiateur le plus naturel. Les gens peuvent critiquer sa façon de mener à bien le processus, mais l’importance de son rôle est indiscutable.

El Espectador : Précisément à cause de son style, Chavez ne devient-il pas un danger régional ?

Noam Chomsky : Bien entendu le Venezuela est une menace, mais c’est une menace pour le modèle de développement et, en raison de ses initiatives, il favorise l’intégration de la région. Le Brésil ne considère pas le Venezuela comme une menace ; ils ont, en fait, de très bonnes relations.

El Espectador : La Colombie, par contre, n’a pas de très bonnes relations avec ses voisins. Ses relations spéciales avec les Etats-Unis n’en sont-elles pas la cause ?

Noam Chomsky : Oui, mais il faut ajouter ses propres problèmes intérieurs. Ce n’est pas moi qui vous apprendrai que l’histoire violente de la Colombie a débuté il y a cent ans.

El Espectador : Que pensez-vous de la politique étrangère d’Alvaro Uribe ?

Noam Chomsky : Sa politique étrangère ?

El Espectador : Oui.

Noam Chomsky : En Colombie ?

El Espectador : Oui.

Noam Chomsky : La politique étrangère de la Colombie est, pour l’essentiel, sous la dépendance des Etats-Unis.
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